Les pages s'accumulent, de phrase en phrase, de paragraphe en paragraphe. Victor songe à son travail comme à l'araignée qui tisse sa toile, et cette toile est sa substance. On n'écrit pas pour dire quelque chose, pour décrire une expérience, exposer une conception de l'existence, raconter des histoires, flatter son ego en créant une oeuvre sur laquelle on aposera son nom. On n'écrit pas pour soi et on n'écrit pas pour des lecteurs. S'il y a un peu de tout cela dans l'activité littéraire, ce sont des détails dénués d'importance. Écrire, c'est transformer sa vie en littérature. Épuiser sa conscience en mots, en poèmes, en histoires. La conscience, c'est-à-dire toute son existence. Épuiser sa conscience. Se vider soi-même. Il y a des personnages, et il y a la femme qu'il aime. La vie peut continuer. Il s'imprégnera des nouvelles merveilles, il les laissera couler en lui, il se transformera avec elles en d'autres livres. Éternellement.